
Les Mycotoxicoses peuvent être dues à des produits toxiques contenus dans la matière première, ou être consécutives à l’altération de celle-ci ou de l’un de ses composants. Les micromycètes ou moisissures se développent à partir d’un substrat nutritif comme l’aliment ou l’un de ses composants initiaux, et élaborent des toxines : les mycotoxines.
Les maladies provoquées par ces mycotoxines sont appelées Mycotoxicoses . Les micromycètes sont dotés d’un équipement enzymatique complet, surtout de type Glucolytique (digestion des sucres) et Lipolytique (digestion des graisses), qui va leur permettre de dégrader le substrat et ainsi en diminuer la valeur alimentaire globale (glycolyse, lipolyse, détournement de vitamines). Ils vont avoir également pour effet la détérioration des qualités organoleptiques des aliments, entraînant des refus alimentaires (goût de moisi).
Les moisissures potentiellement productrices de mycotoxines peuvent se développer sur la plante dans les champs (Fusarium), lors du stockage de la céréale avant fabrication de l’aliment, ou sur l’aliment avant consommation (Aspergillus et Penicillium). Des mycotoxines peuvent donc accompagner la matière première reçue par le fabricant d’aliments. Même si la céréale stockée a fait l’objet de traitements antifongiques avant sa réception, les moisissures ne sont plus présentes mais les mycotoxines restent.
Le procédé de fabrication d’aliments même avec traitement thermique ne les détruira pas puisqu’elles sont thermostables.
Chez l’éleveur, des moisissures peuvent également se développer dans le silo, notamment s’il subit des variations importantes de température provoquant des cycles successifs d’évaporation et condensation, et davantage encore s’il n’est pas hermétique aux intempéries (bouchon au sommet non étanche).
Le boîtier sous la vis de reprise est également un endroit idéal de développement de moisissures, dans la mesure où d’aliment peut y sédimenter .
L’aliment peut également moisir dans e fond des assiettes si celles-ci ne sont pas vidées régulièrement .
Dans le cas d’un bâtiment mal isolé, de la condensation peut se former sur des surfaces froides (plafond, canalisations d’eau) et goutter dans les assiettes.
Les mycotoxines produites au stockage sont essentiellement des aflatoxines (Aspergillusflavus) et des ochratoxines, alors que celles produites au champ sont des trichotécènes, des fumonisines ou de
lazéaralénone (Fusarium).
Ergotisme
Le seigle est parfois parasité par des micromycètes du genre Claviceps qui sécrètent des mycotoxines (ergine, ergocristine,ergobasine). Celles-ci agissent sur les synapses neurovégétatives en entraînant une vasoconstriction des vaisseaux, puis une nécrose des extrémités.
Aflatoxicose
L’aflatoxicose est une affection provoquée par l’ingestion de mycotoxines synthétisées par l’espèce Aspergillusjla – vus : les aflatoxines. Il s’agit surtout des aflatoxines B et G. Parmi celles-ci, l’aflatoxine
Bi est dix fois plus toxique que l’aflatoxine Gi. Certaines souches sont productrices d’aflatoxine Bi, d’autres souches sont productrices d’aflatoxine Gi. Les aflatoxines sont essentiellement trouvées dans les graines d’arachides et dans leurs issues (tourteau), ainsi que sur des céréales mal conservées.
Le développement des moisissures du type Aspergillus flavus est favorisé par une humidité de la graine supérieure à 15 %, une température comprise entre 15 et 30 °C, avec une température optimale à 25 °C, et par une humidité relative à 80 ou 85 %. En revanche, les toxines sont élaborées si la température est inférieure à 10 °C. Cela explique la haute toxicité de certains maïs séchés en cribs dans les régions à climat très variable en fin d’hiver.
Une fois produites, ces aflatoxines sont thermostables : on ne peut donc pas assainir un aliment par la chaleur.
Toxicité aiguë ou chronique
En cas de toxicité aiguë et subaiguë, les lésions des hépatocytes vont de la surcharge à la dégénérescence graisseuse.
Si l’absorption de l’aliment toxique cesse, la cicatrisation aboutira à une cirrhose (sclérosehépatique et ascite secondaire). Une néphrite interstitielle est également notée.
En cas d’intoxication chronique, des « hépatomes» primitifs apparaissent.
Symptômes selon les espèces
Chez le canard
L’aflatoxicose aiguë est beaucoup plus fréquente dans cette espèce, qui sert d’ailleurs de modèle expérimental pour ce type d’intoxication (DL50 sur canetons d’un jour : 0,36mg/kg d’aflatoxine B1).
Les symptômes se traduisent par des convulsions, suivies de la mort, avec une coloration violacée des pattes et du bec.
Les lésions trouvées à l’autopsie sont les suivantes :
■ foie volumineux, rouge foncé, avec des plages décolorées ;
■ hémorragies et œdèmes sous-cutanés.
L’évolution vers la cirrhose est fréquente maïs mal séché en cribs, gavage).
L’aflatoxicose chez le canard peut favoriser l’apparition d’un hépatocarcinome.
Chez la dinde
L’aflatoxicose aiguë de cette espèce est tout à fait identique à celle du canard.
Chez l’oie
Une hépatite chronique sclérosante (foies petits, durs, décolorés) est retrouvée ainsi qu’une hypertrophie de la vésicule biliaire, un ictère, une anémie (bec + pattes jaunes) et une cachexie (les oies sont très légères).
Sur certains animaux est notée une néphrite interstitielle chronique, se traduisant par des lésions de goutte viscérale et articulaire.
Mycotoxicoses dues au genre Fusarium
Ce groupe de moisissures synthétise différents types de mycotoxines :
■ zéaraléone : toxine F2 ;
■ époxytrichotécène : toxine T2, DON ;
■ fumonisines : toxines Bi et B2 surtout.
Le Fusarium se développe surtout sur les céréales immatures ou mal stockées (température et humidité relatives élevées).
La toxinogenèse est là aussi déclenchée par les basses températures. Ces mycotoxines sont thermorésistantes, aussi un substrat contaminé ne peut être assaini par la chaleur.
Zéaraléone
Cette mycotoxine est élaborée dans les maïs mal stockés (cribs).
La mycotoxicose se traduit par :
■ une intoxication hépatique aiguë sur les très jeunes volailles qui sont très sensibles ;
■ une atrophie testiculaire chez les mâles due à l’effet oestrogénique de cette mycotoxine ;
■ une fragilité osseuse avec fractures spontanées des pattes, la zéaralénone bloquant l’absorption intestinale de la vitamine D3.
Trichotécènes
Leur toxicité se manifeste par un certain nombre d’effets :
■ une action nécrosante sur les tissus, notamment dans la cavité buccale ;
■ un effet immunodépresseur par destruction des cellules souches des lignées blanches et rouges. En effet, l’effet cytotoxique de cette mycotoxine concerne surtout les cellules en division, par inhibition de la synthèse de l’ADN et des protéines. Les animaux deviennent alors cachectiques et présentent une leucopénie et une anémie sévères, et des lésions de nécrose sur les muqueuses et les téguments. Des troubles de l’éclosabilité peuvent également être observés ;
■ une action bactéricide sur les germes à Gram positif (perturbation de laflore intestinale).
Fumonisines
Elles persistent dans les aliments produits à partir de grains contaminés.
Ce sont des toxines hydrosolubles, thermostables.
Diverses affections des volailles sont associées à la consommation de fumonisine : baisse des performances, refus de s’alimenter, faiblesse, diarrhée, mortalité.
Toutes ces affections ne sont sans doute pas imputables aux seules fumonisines, leur impact sur la production avicole apparaissant principalement sur la croissance.
Chez le canard gavé, les fumonisines semblent altérer la structure histologique des cellules du foie, en modifiant l’aspect des vacuoles lipidiques. Elles auraient donc un impact sur la qualité du foie gavé.
L’essentiel de l’effet toxique des fumonisines semble résulter d’une altération de la biosynthèse des sphingolipides (par analogie structurale avec la sphingosine), bouleversant de nombreuses voies métaboliques et le maintien de l’intégrité membranaire des cellules.
Toutefois, la relation entre symptômes et mécanisme d’action est encore souvent obscure. Par exemple, l’hépatotoxicité des fumonisines est décrite dans toutes les espèces animales, mais le mécanisme de toxicité reste encore inconnu.
Source : Maladies des Volailles « Jean-Luc Guérin ;Dominique Balley; Didier Villate »